Le psychothérapeute devant la souffrance et la tentation du nihilisme
Qu’est-ce qui est commun à la douleur et à la souffrance ? Qu’est-ce qui les distingue ? On reconnaît habituellement qu’un corps inerte, non vivant, n’est pas un véritable individu, au sens où il peut être divisé sans altération de sa nature : il n’a rien qui lui soit intérieur. Par contraste, le propre du vivant, c’est de délimiter un milieu intérieur, de se donner sa propre loi de fonctionnement, de se conserver en conservant une identité de structure à travers le renouvellement de ses parties composantes. Un organisme se rend libre par rapport à sa propre substance (puisqu’il la renouvelle constamment), mais cette liberté le rend en même temps dépendant de l’échange métabolique : le vivant est contraint à l’échange métabolique, et sa vie est un risque permanent, une tension sans trêve entre vie et mort, être et non-être. Le repli du vivant sur lui-même – et la menace que constitue dès lors le monde ambiant – sont la condition universelle de la douleur ; l’échange métabolique qui est le contrepoint de ce repli, est la condition universelle du plaisir. Les affects bipolaires de douleur et de plaisir sont donc inséparables de la vie.